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vendredi 18 mai 2018

La face cachée du 80 km/h

 
 





Et les villages le long des charmantes routes berrichonnes continueront à se vider, les commerces à péricliter, les maisons à vendre, sans acheteur, à tomber en ruines

La polémique fait rage, chacun y va de son opinion, le Premier ministre assume droit dans ses bottes comme un vrai petit Juppé, Collomb ne se mouille pas, « joker ! », Macron lui-même serait, soi-disant, sceptique…
Qu’est-ce donc ?
La menace en plein essor du terrorisme « low cost » (comme on dit en français) ?
Mais non, voyons, une question autrement vitale : le 80 km/h sur les « routes secondaires à double sens sans séparateur central », ouf !
Sur le périphérique de Nantes, j’ai observé une banderole accrochée à un pont le surlendemain de l’attentat de l’Opéra.
Le calicot disait-il « Quand cesserons-nous de compter nos morts par attentats » ?
Non, non, ce qui avait mobilisé ces manifestants nantais anonymes, c’était un lucide et courageux « Non au 80 km/h ! »
Loin de moi, bien sûr, l’idée de mépriser la nécessaire sécurité routière et les efforts pour limiter l’hécatombe sur nos routes.
Le Français reste particulièrement indiscipliné, toujours champion de la vitesse de pointe en ligne droite, c’est tellement viril !
Je note, toutefois, qu’il est beaucoup moins viril sur les routes de ma Lozère, autrement plus difficiles.
Tiens tiens !
Mais en y réfléchissant bien, pensez-vous que préserver notre intégrité physique soit l’unique mobile de nos gouvernants ?
Des économies de frais médicaux sont escomptées ?
Oui, probablement, vu la logique sommairement comptable qui prédomine dans les cercles du pouvoir.
Mais encore ?
Eh bien, partons, par exemple, de Tours vers Clermont-Ferrand.
Il existe deux solutions possibles : l’autoroute à péage A85 puis A71 par Bourges (58 euros quand même !) ou, seconde possibilité si vous savez regarder une carte, l’ancienne nationale 143 par Châteauroux puis des départementales et un peu de l’A71 (12 euros).
Vous roulerez à 80 km/h sur une grande partie du trajet, l’ancienne RN 143 ayant été déclassée en départementale.
Dans le premier cas, vous goûterez la monotonie du trajet, les pittoresques stations d’autoroute, leurs sympathiques clients si bien élevés, le café au distributeur et vous remplirez à nouveau votre réservoir qui se vide si vite à 130 km/h.
Dans le second cas, vous visiterez le Berry, ses amples ondulations fertiles, ses châteaux au loin, vous vous arrêterez dans de vrais cafés de village et vous trouverez un bon restaurant pas cher.
Oui, mais voilà, à 80, les belles routes toutes droites vous paraîtront encore plus interminables et les innombrables ronds-points vous seront toujours plus insupportables.
Alors, lassés, vous paierez l’autoroute et ses actionnaires, le surplus de carburant avec ses taxes.

Et les villages le long des charmantes routes berrichonnes continueront à se vider, les commerces à péricliter, les maisons à vendre, sans acheteur, à tomber en ruine.
La France authentique, la France périphérique, comme ils disent, continuera de se vider de sa substance et les élus à discourir sur l’aménagement du territoire.
Seuls les cimetières connaîtront encore la croissance.

Il y aura même quelques imbéciles pour avancer que ces territoires en voie de désertification pourront être revitalisés par des migrants – tous charpentiers-couvreurs, mécaniciens ou infirmières, bien sûr !
Ainsi va la France vers son destin.

Sauf si, un jour, les Français ouvrent les yeux et se réveillent…

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