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dimanche 18 février 2018

Hausse de la CSG : l'inquiétante précarisation des retraités

 
 
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Par Virginie Pradel
Publié le 14/02/2018

FIGAROVOX/TRIBUNE -

Un vent de colère a secoué les retraités, qui ont même manifesté à Grenoble vendredi.

En cause notamment, la hausse de la cotisation maladie pour certains d'entre eux, finalement suspendue.
Selon Virginie Pradel, les retraités sont une cible privilégiée du matraquage fiscal depuis de nombreuses années.

Virginie Pradel est fiscaliste à la Fondation Concorde.

Devant l'émoi suscité, le gouvernement a finalement suspendu le décret relevant la cotisation maladie des retraités résidant à l'étranger.
Ces derniers échappent ainsi à une nouvelle baisse de leur pension ; ce qui n'est malheureusement pas le cas des autres retraités subissant de plein fouet la hausse de la CSG.
Rappelons que cette mesure s'inscrit dans la continuité de bien d'autres qui, depuis plusieurs années, ont accentué la précarité d'une partie de nos retraités.

«La qualité d'une société, je dirais d'une civilisation, se juge à la manière dont les personnes âgées sont traitées et à la place qui leur est réservée dans la vie commune» a très justement déclaré l'ancien pape Benoît XVI.

Une chose est certaine: toutes les sociétés ne sont pas égales s'agissant du traitement réservé à leurs retraités.
Alors que certaines les chérissent, d'autres ont peu de scrupules à les laisser dépérir.
Force est malheureusement de constater que la nôtre tend de plus en plus à rejoindre cette deuxième catégorie, dès lors que les mesures adoptées depuis plusieurs années par les gouvernements successifs ont accentué la précarisation de nos retraités.
Matraquage des pensions, remboursement moindre des frais de santé…
Sans parler du scandale des Ehpad.
Tout cela est indigne d'une société comme la nôtre qui, au demeurant, prétend venir en aide aux plus défavorisés.

Le matraquage des pensions de retraite


Depuis environ 25 ans, le matraquage des pensions de retraites s'opère dans une indifférence quasi-générale et regrettable.
Pour mémoire, le premier coup a été porté en 1993 par la réforme Balladur, laquelle a conduit à ce que les pensions des salariés du privé soient calculées sur les 25 meilleures années de cotisation, au lieu des 10 meilleures.
Cela a eu pour conséquence une baisse du salaire de référence pris en compte pour le calcul des pensions de retraite, et donc du montant de ces dernières.
Au reste, cette réforme a fait évoluer les modalités de calcul de la revalorisation des pensions de base, de sorte que celles-ci sont désormais indexées sur l'inflation et non plus sur l'évolution des salaires. Or, depuis plusieurs années, l'inflation est largement inférieure à l'évolution des salaires.
Depuis environ 25 ans, le matraquage des pensions de retraites s'opère dans une indifférence quasi-générale et regrettable.
Le deuxième coup a été porté en 2013, lorsque les pensions versées par les régimes complémentaires (l'Arrco et l'Agirc) ont été gelées.
Et celles-ci ne sont pas prêtes d'être revalorisées puisque l'accord signé en 2015 par les partenaires sociaux prévoit pour 2016, 2017 et 2018 une revalorisation égale à l'inflation, diminuée d'un point.
Or, l'inflation a seulement été de 0,2 % en 2016 et de 1 % en 2017…

Le troisième coup a été porté également en 2013 avec l'instauration d'une nouvelle cotisation sur les pensions de retraites: la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA).
Prélevée au taux de 0,3 %, elle s'ajoute à la CSG et à la CRDS.
Le quatrième coup a été porté en 2014 avec la suppression de deux niches fiscales destinées aux retraités, à savoir: la majoration de retraite de 10 % pour charges de famille qui bénéficiaient à ceux ayant élevé au moins trois enfants (auparavant exonérée, elle doit désormais être intégrée dans leur revenu imposable) et la demi-part «veuve».
La suppression de ces deux niches fiscales a eu un impact important, non seulement au regard de l'impôt sur le revenu et de la CSG (de nombreux retraités se sont retrouvés assujettis au taux normal de CSG de 6,6 % au lieu du taux réduit de 3,8 %), mais aussi de la taxe d'habitation dans la mesure où environ 600 000 retraités jusqu'alors exonérés en sont devenus redevables à compter de 2015 ; ce qui n'a pas manqué de déclencher une vive polémique.
 
Si bien d'ailleurs que le secrétaire d'État au Budget de l'époque a dû adopter dans l'urgence une prolongation de l'exonération pour 2015 et 2016 et ensuite adopter un mécanisme de «sortie en sifflet»: les retraités concernés devant payer un tiers de leur taxe d'habitation en 2017, deux tiers l'année suivante et enfin la totalité en 2019.
 
Ironie du sort: le gouvernement justifie aujourd'hui la hausse de la CSG pour les retraités modestes par la suppression de leur taxe d'habitation ; alors que c'est le précédent gouvernement qui les y a soumis il y a seulement un an…
 
On ajoutera que, depuis 2015, le taux réduit de CSG de 3,8 % est seulement réservé aux retraités dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas un certain seuil ; alors qu'il était jusqu'à 2015 aussi applicable à ceux qui étaient non imposables du fait de l'application de réductions fiscales.
 
Environ 460 000 retraités ont ainsi vu le taux de CSG appliquée sur leur retraite passer de 3,8 % à 6,6 %.
 
Le dernier coup a été porté par le gouvernement actuel qui a acté non seulement le report de la revalorisation des pensions de retraite à janvier 2019 (au lieu d'octobre 2018) mais aussi la hausse de 1,7 point du taux normal de CSG pour 60 % des retraités ; à savoir les retraités isolés dont le revenu fiscal de référence est supérieur pour l'année 2016 à 14 404 € (ce qui correspond à une pension d'environ 1 200 € par mois) et les retraités en couple dont le revenu fiscal de référence est supérieur pour l'année 2016 à 22 095 € (ce qui correspond à deux pensions d'environ 920 € par mois).
La réforme Touraine de 2016 a également renforcé la précarisation de nos retraités en venant augmenter le coût des dépenses liées à la santé

Pour rappel, les prélèvements sociaux s'élevaient jusqu'au 31 décembre 2018 à 7,4 % (6,6 % de CSG + 0,5 % de CRDS + 0,3 % de CASA) pour la retraite de base et à 8,4 % (6,6 % de CSG + 0,5 % de CRDS + 0,3 % de CASA + 1 % de cotisation assurance maladie) pour la retraite des régimes complémentaires.

Avec la hausse de 1,7 point de la CSG, ces prélèvements s'élèvent depuis le 1er janvier 2018 à 9,1 % pour la retraite de base et à 10,1 % pour la retraite des régimes complémentaires.
 
Moindre remboursement des frais de santé
 
La réforme Touraine de 2016 a également renforcé la précarisation de nos retraités dans la mesure où elle est indirectement venue augmenter le coût des dépenses liées à la santé ; or, les retraités représentent la population la plus exposée à ce type de dépenses.
Pour rappel, cette réforme a imposé la limitation des remboursements des frais de santé par les complémentaires santé.
L'objectif de cette mesure était de faire baisser les tarifs des médecins de secteurs 2 pratiquant des dépassements d'honoraires, lesquels étaient jusqu'alors couverts par la prise en charge des complémentaires santé.
Cependant, la plupart des médecins n'ont pas matérialisé la baisse escomptée de leurs tarifs.
Par suite, ce sont les assurés, et en particulier les retraités, qui ont vu la part restant à leur charge augmenter.
 
Une cible aisée à ponctionner
 
Il va sans dire que les retraités constituent une cible fiscale aisée à ponctionner.
D'une part, car il ne s'agit pas d'une population susceptible de se mobiliser et de mettre en oeuvre d'importants mouvements sociaux.
D'autre part, car on ne cesse de les culpabiliser sur leur train de vie supposé privilégié.
Or, si cela est assurément vrai pour certains retraités, c'est loin de constituer une généralité puisque selon l'Insee le montant moyen des pensions se chiffrait à seulement 1 306 euros par mois en 2014.
 
Pour rappel, les retraités touchés par la hausse de la CSG sont ceux ayant une pension mensuelle supérieure à 1 200 euros s'ils sont isolés ou 920 euros s'ils sont en couple ; ce qui est un montant nettement inférieur au SMIC en vigueur (celui-ci s'élève à 1 498,50 € par mois) et légèrement supérieur, voire même inférieur pour un couple de retraité, au seuil de pauvreté fixé en France et dans l'UE à 1 008 euros par mois en 2014.
 
Certes, notre pays est surendetté et tous les Français, y compris nos environ 16 millions de retraités, doivent contribuer à l'effort national.
 
Mais le choix de faire payer en premier nos retraités, qui vivent déjà pour certains dans la précarité, est indigne.

1 commentaire:

  1. Patrick MAILLET3 mars 2018 à 00:30

    il ne faut pas oublier les retraités français résidant à l'étranger qui subissent une hausse de plus de 40% de la cotisation maladie qui passe depuis le 1/22018 de 4,2 à 5,9 %. Personne n'en parle dans les médias

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