Alors, ça y est : il a renoncé.
Une nouvelle reculade de ce président « normal ».
Novembre 2012, devant les maires de France : « Nous devons mener notre politique, tenir notre cap. » Mars 2015, à Berlin : « Nous devons tenir la cap des réformes. »
Malgré les démentis, les paires de claques électorales, les revers économiques largement annoncés, l’empirisme et l’amateurisme du gouvernement, les incantations tragi-comiques (n’est-ce pas, Monsieur Sapin ?), les croche-pieds de l’actualité, contre l’évidence et le bon sens, malgré la fonction présidentielle, qui demande, qui exige que l’on se fixe une ligne et que l’on s’y tienne si elle est bonne, malgré les leçons de l’Histoire, monsieur Hollande, une nouvelle fois, comme une digue vieillie, cède.
Sa phrase, peu glorieuse, sonne comme on sonne la retraite : « J’ai décidé de clore le débat constitutionnel. »
 Ce « j’ai décidé » donne l’illusion, à lui d’abord et aux Français ensuite, qu’il est encore doté du pouvoir de sa fonction.
 Serait-il le seul, en France, à ignorer qu’il ne pèse plus rien, qu’il ne décide plus rien, qu’il a abandonné le sort du pays en des mains qui ne se situent pas à l’Élysée ?
 « Clore le débat constitutionnel » : en langage commun, cela signifie : « Je suis incapable de convaincre, impuissant à rassembler ma majorité sur un texte. Je savais n’être pas taillé pour le costume, mais là, avec tous ces Brutus qui me poignardent, l’avenir m’apparaît bien sombre ! »

En pleine crise de Mai 1968, Mitterrand, apostrophant de Gaulle dans un discours déclamatoire, martelait : « Où est l’autorité de l’État ? »
Aujourd’hui, elle a bel et bien disparu.

Ah ! on fait le malin lorsqu’il s’agit de marier les homosexuels et que l’on tient bon devant des centaines de milliers de familles paisibles.

Mais lorsque quelques lycéens descendent dans la rue pour parler retraite et que les syndicats pointent le bout de la banderole, on recule.

 Lorsque quelques socialistes se détournent d’une mesure qu’ils ont pourtant saluée debout à Versailles, on se rétracte.

 En plus – courage suprême -, au lieu de reconnaître son impéritie, on tente de faire porter le chapeau à d’autres : « Une partie de l’opposition est hostile à toute révision constitutionnelle. Je déplore profondément cette attitude. »
De la part d’un homme qui a occupé toute la première année de son quinquennat à détricoter ce que son prédécesseur avait fait, cet étrange regret somme creux.

Le temps n’est plus de savoir si cette réforme était bonne ou pas, si elle devait ne viser que les binationaux ou pas.
La leçon à tirer de ce fiasco est plus amère que l’adoption d’un texte : la France n’est plus ni menée ni gouvernée.
Ou, si elle l’est, c’est par des groupes de pression de circonstance, qui conduisent le gouvernement à coller des rustines ici (point des fonctionnaires) ou là (nouvelle prime à l’embauche), sans jamais qu’une politique nationale puisse sortir de ce magma informe.

Nous sommes entrés pour douze mois dans le temps de l’errance.