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vendredi 8 mai 2015

Saint-Ouen : drogue et Kalach à tire-larigot







Le 08/05/2015

Saint-Ouen est pris en otage par les trafiquants. Les citoyens honnêtes n’ont d’autre choix que de se plier à leurs règles ou de s’exiler vers des horizons plus calmes.


À quelques encablures des 17e et 18e arrondissements de Paris, il suffit de traverser le périph’ pour aller faire ses emplettes dans un fief de la fumette, de la grande distribution Super H en plein air, où les dealers vous reçoivent avachis dans un canapé à même la rue.
 Les acheteurs sont priés de patienter dans des halls d’immeubles recyclés en salles d’attente.
Les guetteurs ont colonisé l’asphalte depuis belle lurette, contrôlant les allées et venues et dévisageant les indésirables.
 Surnommée « le supermarché de la drogue », cette ville de Seine-Saint-Denis de 48.000 habitants, devenue une plaque tournante de la région parisienne et réputée pour la qualité de sa marchandise, se targue d’attirer des clientèles exigeantes.
Les guerres de territoires font rage.
Ces dernières semaines, le climat est décrit comme « insurrectionnel ».
 Fin mars, un « jeune » se prenait une balle dans le dos.
Quinze jours plus tard, un autre « jeune » dégustait une bastos en pleine mâchoire.
 Le 25 avril, le quartier de Soubise fut aspergé à la Kalachnikov sans faire de victime.
 Le 30, une autre fusillade à l’arme automatique a blessé trois fils de dignitaires algériens, dont deux grièvement, venus s’approvisionner.
Une mère de famille qui rentrait chez elle a récolté une balle dans la manche de son parka.
 L’une des victimes s’est effondrée à ses pieds.
Comme beaucoup, elle craque.
 Elle veut partir, ne serait-ce que pour protéger son fils : « Je vois des mamans récupérer l’argent que leurs enfants de 13 ou 14 ans gagnent grâce au cannabis et quand je leur demande si elles trouvent ça normal, elles me répondent que ça sert à payer les courses.
 À partir de là, comment voulez-vous que ça change ? »
 Une autre balle a atterri dans le mur du logement d’Antoinette, 80 ans, qui voit quotidiennement les dealers rôder dans la cour.
 « J’envisage de partir parce qu’il me faut ma sécurité en vieillissant », confie-t-elle à regret, comme Chantal, qui habite la commune depuis 36 ans : « Maintenant c’est devenu Marseille. J’ai peur. »


Saint-Ouen est ainsi pris en otage par les trafiquants.
Les citoyens honnêtes n’ont d’autre choix que de se plier à leurs règles ou de s’exiler vers des horizons plus calmes.
 En septembre 2012, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, créait la première Zone de Sécurité Prioritaire de la ville, qui en compte aujourd’hui huit.
 Pour quel résultat ?
 Le déploiement trop timoré de la vidéosurveillance ne fait que déplacer le problème.
 Si un dealer est arrêté, d’autres viendront le remplacer illico.
 Quelques coups de filets spectaculaires attirent l’œil des médias mais se soldent souvent par de maigres perquisitions.


« Faut-il qu’une balle perdue vienne tuer des innocents pour que l’État nous accorde enfin les moyens humains et matériels ? », s’agace le maire UDI William Delannoy.


 Le combat semble bien mal engagé, dans une banlieue où le taux de chômage avoisine 23 %, où les adolescents savent qu’ils peuvent se faire du fric facile en dealant, et où un périmètre lucratif peut rapporter 6.000 à 10.000 euros par jour.


Y a-t-il une réelle volonté de neutraliser une économie parallèle qui irrigue toute une frange de la population ?


Cette semaine, quatre suspects ont été interpellés dans le cadre de la fusillade du 30 avril.


 L’un a été mis en examen pour détention de quinze kilos de cannabis.


 Les autres ont été relâchés, faute de preuves.


La vie continue.


 Tant bien que mal.


Le trafic, lui, se porte bien.

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