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vendredi 24 octobre 2014

Marina : ni coupables, ni responsables.


no_justice


Le 23 octobre 2014


   
Après une demi-journée passée nue et affamée, une soirée dans un bain d’eau glacée avec immersion de la tête, une gifle qui lui a fracassé le crâne contre la baignoire, une nuit d’isolement dans la cave, Marina, huit ans, a fini par succomber à son calvaire.

Il était une fois une petite fille née sous une très mauvaise étoile, dont la courte vie n’aura été qu’une cruelle succession de malchances.
Malchance, d’abord, d’être tombée sur des parents qui l’ont toujours haïe alors que ses cinq frères et sœurs étaient bien traités.
 Malchance, ensuite, qu’une kyrielle de dysfonctionnements aient empêché les services sociaux de l’arracher à ses bourreaux.
Marina naît sous X en 2001.
 Mais sa mère se ravise et la récupère au bout d’un mois.
 Dès l’âge de deux ans, elle est battue comme plâtre et régulièrement privée de nourriture.
 Les vaccins et les visites médicales obligatoires ne sont pas à jour, le carnet de santé est bientôt « perdu ».
 Elle n’est pas scolarisée avant l’âge de six ans.
 Très vite, les instituteurs constatent un absentéisme surréaliste, des hématomes, des cheveux arrachés, des griffures, un œil au beurre noir.
 Il préviennent le médecin scolaire qui, avec une grande légèreté, se contente de leur conseiller d’être vigilants.
 Marina a souvent faim et veut manger le goûter de ses camarades.
 Ses parents ont toujours des excuses implacables : elle serait boulimique et bagarreuse.
Un jour, elle arrive avec le visage tuméfié.
 Une simple « conjonctivite ».
La famille déménage très souvent. Marina change plusieurs fois d’école.
 Ses enseignants découvrent qu’elle a le dos violet à cause d’une « chute dans les escaliers » (en réalité des coups de ceinture, apprendra-t-on au procès des parents).
Mais toujours aucune demande de mesures de protection immédiate n’est effectuée.

En 2008, à la lecture de son dossier, son nouveau directeur d’établissement adresse au procureur de la République un signalement de suspicion de maltraitance.
L’examen de médecine légale met en évidence de très nombreuses lésions anciennes fortement suspectes.
 Un début d’espoir pour Marina ?
Non, car l’enquête de gendarmerie est bâclée.
Aucun psy n’est présent pendant l’audition de l’enfant.
Des témoins clés (enseignants, voisins… ) ne sont même pas interrogés.
Le substitut classe hâtivement le dossier sans suite.
 Sa décision sera une véritable chape de plomb qui scellera le destin de Marina, freinant les différents intervenants ultérieurs dans leurs démarches.
Comme par hasard, la famille redéménage.
La petite fille continue de manquer souvent l’école et d’arborer des traces de coups.
 En avril 2009, son médecin scolaire l’envoie aux urgences pédiatriques, horrifié par l’état de ses pieds, couverts de phlyctènes surinfectées.
 Les pédiatres constatent aussi une atteinte dentaire et une dysmorphie faciale mais privilégient la piste d’une… maladie organique !
Ils n’ont même pas consulté son dossier ni les examens du légiste de l’année précédente.
Le directeur d’école adresse une information préoccupante à l’Aide sociale à l’enfance, mais celle-ci considère qu’il n’y a pas d’éléments nouveaux depuis que l’affaire a été classée.
Le 7 août 2009, après une demi-journée passée nue et affamée, une soirée dans un bain d’eau glacée avec immersion de la tête, une gifle qui lui a fracassé le crâne contre la baignoire, une nuit d’isolement dans la cave, Marina, huit ans, a fini par succomber à son calvaire.

Ses parents ont été condamnés à trente ans de prison.
Si tous les services concernés avaient pris la peine de recouper leurs données, ils auraient réalisé que le parcours de Marina ne fut qu’un jalonnement de sévices totalement sous-estimés.
Le rapport du Défenseur des droits, dont certains passages sont insoutenables, révéle une inertie du système, un manque de rigueur et de méthode dans l’investigation, des mesures inadaptées, des erreurs d’appréciation.

En France, deux enfants meurent chaque jour sous les coups de leurs parents.

Combien n’ont pu être sauvés à cause des pesanteurs ou des négligences administratives ?

Le 8 octobre 2014, la Cour de cassation a estimé que l’État n’avait pas commis de faute lourde dans le suivi de Marina.

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