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mardi 27 mai 2014

On ne veut plus de vous !


Tcho


Le 26 mai 2014

   
Le problème de cette classe dirigeante qui nous a si mal dirigés est qu’elle est aujourd’hui dans l’impasse.

Deux partis, deux grands partis, structurent depuis plus de trente ans le paysage politique français. « Structuraient » serait désormais plus approprié.
Démocratiquement porté au pouvoir par le suffrage universel – du moins tel que l’organise, le corrige et l’oriente le scrutin majoritaire –, le Parti socialiste est actuellement aux affaires, comme on dit (avec ou sans malice).
 Le président de la République, le Premier ministre, son gouvernement, la majorité parlementaire en sont issus.
Le PS contrôle vingt et une régions sur vingt-deux, soixante départements, nombre de grandes villes, dont la capitale.
Or, un peu moins de 14 % des votants, environ 6 % des électeurs inscrits, lui ont fait confiance avant-hier.
Au vu des dernières municipales et des plus récents sondages d’opinion, les observateurs s’accordaient à constater que le parti hérité de feu Guy Mollet, ravalé, rénové et rebaptisé par François Mitterrand, était au plus bas.
 La preuve est faite depuis ce dimanche qu’il pouvait tomber encore.
 Peut-on encore parler de socle lorsque celui-ci est à ce point étroit ?
 Les Égyptiens, grands bâtisseurs devant l’éternité, n’avaient jamais envisagé qu’une pyramide pût reposer sur sa pointe.

Contents, pas contents, contents, les Français s’étaient habitués au fil des ans à l’alternance entre les deux grands partis de gouvernement.
Lorsqu’ils n’en pouvaient plus de l’arrogance, de l’impéritie et de la corruption socialistes, ils se rabattaient automatiquement sur la « droite républicaine », incarnation de l’immobilisme, de l’inertie et de l’affairisme, qui recourait d’élection en élection à des dénominations inédites pour faire croire à sa régénération (UNR, UDR, UD-Ve, RPR), l’UMP étant le dernier en date de ses avatars.
Le fait nouveau est que la déconfiture, la déculottée, la « branlée » socialistes n’ont pas profité cette fois-ci à l’autre dessus de la cheminée.
 Les vases, apparemment entartrés, ne communiquent plus.
L’UMP, confortée par ses succès municipaux de mars, et refusant de voir qu’elle n’avait été victorieuse que par défaut, comptait sur l’impopularité de ses rivaux traditionnels pour se refaire une santé.
 Son attente a été déçue.
 La déroute socialiste n’a pas empêché l’échec de l’UMP.

Sans chef, sans projet, sans idéal, sans militants, miné par les querelles, pris la main dans le sac d’embrouilles et de magouilles qu’il coltine depuis les jours lointains de Sanguinetti, de Pasqua, de Chirac et de Sarkozy, l’UMP – combien de divisions ? – est l’autre grand perdant du 25 mai.
François Fillon, qui avait du mal à dissimuler sa jubilation, l’a fort bien dit : ce n’est pas seulement la crédibilité de l’UMP, mais son honneur – si tant est qu’il lui en reste – qui est en jeu.
On se permettra d’ajouter que ce n’est pas seulement la présidence mal acquise de Jean-François Copé, mais l’unité et la pérennité de sa formation politique qui sont menacées.

Clairement et obsessionnellement désigné par la quasi-totalité des médias et des partis politiques comme l’ennemi public n° 1, l’adversaire unique, et pour tout dire le diable, le Front national a tiré le meilleur parti de l’extraordinaire publicité qui lui était ainsi faite.
Dans un pays où la crise économique, financière, industrielle, identitaire et morale ne cesse de multiplier les sujets de mécontentement, les mécontents, les révoltés, les indignés et les écœurés de tout poil se sont fait un devoir et un plaisir de plébisciter le parti pour lequel ceux qu’ils estiment être responsables de leurs malheurs prétendaient lui interdire de voter.
 L’habileté de Marine Le Pen et de ses conseillers a fait le reste.

Contesté sur sa gauche, rejeté par la droite, quelle marge de manœuvre reste-t-il à un président usé jusqu’à la corde alors même qu’il n’en est qu’aux deux cinquièmes de son mandat ?
Dissoudre ?
Sur la base des résultats des européennes, et faute de pouvoir improviser une grande coalition à l’allemande, ce serait la victoire assurée du FN.
Changer de Premier ministre, deux mois après la nomination de Manuel Valls ?
 Mais pour prendre qui, et pour faire quoi ?
Changer de cap, après avoir dit et fait dire sur tous les tons qu’il n’en était pas question et qu’il fallait au contraire poursuivre et « accélérer » dans la mauvaise direction ?
Renoncer à la rigueur pour choisir la relance et sacrifier la monnaie à la croissance ?
 Mais ce que le gouvernement y gagnerait sur sa gauche serait plus que compensé par les défections qu’il enregistrerait sur sa droite ?
 Et puis, que diraient nos maîtres à Berlin, à Francfort, à Bruxelles et à Washington ?
 
 Démissionner ?
 
 Tout le monde n’est pas de Gaulle.
Tel qu’on a appris à connaître M. Hollande, le plus probable, de quelque déguisement verbal qu’il le couvre, est qu’il choisira de faire le gros dos, de ne pas choisir, de durer.

Mais le pourra-t-il ?
La colère monte dans le peuple, et le séisme pacifique de ce 25 mai ne saurait manquer, si rien n’est fait, d’être suivi de multiples répliques.
 
 Le problème de cette classe dirigeante qui nous a si mal dirigés est qu’elle est aujourd’hui dans l’impasse.
 
 Les électeurs lui ont adressé un message simple et pourtant double.
 À l’adresse du PS : « On ne veut plus de vous. »
À l’intention de l’UMP : « On ne veut pas de vous. »
 
 Et maintenant, à vous de jouer.

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