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mardi 28 janvier 2014

60 ans après l’Abbé Pierre, Trierweiler lance un Appel au Taj Mahal…

 
Alors que la cour obsolète des politiciens entretenus, la caste servile des médias subventionnés et le cercle des hauts salariés de l’humanitaire, associés au club des artistes de variétés en promo,
s’apprêtent, le 1er février 2014, à célébrer à l’unisson les 60 ans de l’Appel de l’Abbé Pierre, Valérie Trierweiler, répudiée par Monsieur 3%, le Président par défaut d’une France déboussolée, se refait une santé populiste dans l’un des pays les plus inégalitaires du monde, visitant quelques pauvres et quelques parcelles de bidonvilles cornaquées par l’ONG « Action contre le Faim » (ACF).
 
Au programme de Bombay, également, une visite d’hôpital qui ne ressemble pas à la Pitié-Salpêtrière, une cuillérée de pâte nutritionnelle pour les photographes, un déjeuner au Taj Mahal avec les femmes de ces entrepreneurs indiens et occidentaux qui vivent comme des princes de la misère qu’ils engendrent, afin de lever des fonds pour la fameuse ONG.
Sans la présence de Mme Trierweiler, c’est certain, les portefeuilles seraient restés au fond des sacs Vuitton et Gucci de ces dames habillées par les plus fameux stylistes de la planète…

Objectif : acheter de la pâte alimentaire pour les enfants orphelins des rues et ceux dont on exploite les parents encore vivants.
 Ensuite, un grand dîner-gala de charité, toujours dans le plus célèbre établissement touristique de cette cité de la misère.

Et puis… Et puis voilà.
Retour à Paris-Match et aux dures réalités quotidiennes de la vie privée, sans doute avec des photos bien émouvantes de ces pauvres enfants, dans le genre « Unicef, envoyez vos dons ! ».
Un vrai choc de responsabilités à l’échelle planétaire…

Action contre la Faim est l’une de ces innombrables ONG prédatrices qui sévissent dans les pays pauvres, en Inde comme ailleurs : Cambodge, Vietnam, Bangladesh, etc.
Le train de vie et l’objectif réel de ses dirigeants, comme ceux de la plupart de ces vitrines-boutiques du secteur hautement lucratif du caritatif et de l’humanitaire, ont été à de nombreuses reprises mis en accusation, même par leurs anciens dirigeants.
Il faut remonter à mars 2002, à une époque où le journal « Libération » n’était pas encore en recherche de lecteurs de tous bords et de capitaux sous conditions, pour retrouver une interview honnête et lucide de la géographe Sylvie Brunel, qui venait de démissionner alors de la présidence de l’ONG « Action contre la Faim » (ACF), après dix-sept ans d’engagement dans l’humanitaire.*

Répondant aux questions du journaliste Jean-Dominique Merchet, le constat de Sylvie Brunel est terrible et met en évidence ce que plus personne, ou presque, ne veut entendre, ni au niveau de l’État, ni dans les médias traditionnels, consensuels et racoleurs, qui préfèrent feuilletonner sur des histoires de coucheries faisant exploser les ventes…
Que dit Sylvie Brunel en mars 2002, alors que le statut commercial décomplexé des ONG n’a fait que s’amplifier en plus d’une décennie, et que celles-ci se livrent aujourd’hui à une guerre de marketing sans pitié, chacune ayant ses stars et ses “bling-bling” de prédilection pour créer du buzz ?

Voici, pour mémoire, quelques morceaux choisis :

« Je me suis vite rendu compte que j'étais confrontée à un business.
 Le fossé se creuse entre l'attente des citoyens, notamment les donateurs de l'humanitaire, et la réalité des ONG.
J'ai malheureusement l'impression que ces organisations roulent davantage aujourd'hui pour elles-mêmes que pour leurs prétendus bénéficiaires.
 J'espérais pouvoir inverser la tendance, mais je n'ai pas les moyens de modifier cette situation. Je ne suis pas certaine que les donateurs soient bien informés de la dérive des structures qu'ils soutiennent. »
[…]
« Quand les ONG disent que 80 % de leur budget vont « sur le terrain », elles oublient de préciser que « le terrain » englobe les salaires de ceux qui, dans les sièges, travaillent de près ou de loin pour les missions. »
[…]
« Aujourd'hui, le donateur moyen gagne entre trois et quatre fois moins que les responsables des ONG. Et il ne le sait pas parce que les organisations fonctionnent dans l'opacité.
 Je ne voulais pas qu'on me reproche un jour d'avoir trompé les donateurs, qui reçoivent en permanence des courriers dans lesquels on leur montre un gamin au Soudan ou ailleurs et où on leur dit : « Si vous ne donnez pas 100 francs, il mourra. »
 Les ONG, qui exigent la transparence de tout le monde et qui passent leur temps à donner des leçons aux autres, sont loin de se l'appliquer à elles-mêmes.
 Ces structures ont produit des nomenklaturas qui n'ont plus rien d'humanitaire, ni dans leurs rémunérations, ni dans leur mentalité. »
[…]
« J'ai le sentiment très net que, à ACF, les critères d'ouverture et de fermeture des missions sont devenus purement financiers.
Les critères qui conditionnent la vie des missions, ce n'est pas leur utilité pour les populations, mais : est-ce que des bailleurs de fonds institutionnels continuent ou non à financer ces missions ?
 Est-ce que la marge que nous dégageons sur ces programmes est suffisante pour nous permettre de financer les frais de siège ?
Les ONG se disent indépendantes, elles prétendent aller là où il y a les besoins.
 Moi, j'ai surtout vu des conseils d'administration qui fonctionnaient selon une logique purement comptable.
Se demander quelles sont « les missions rentables », terme utilisé en permanence, semble désormais la préoccupation principale.
 Nous sommes devenus les sous-traitants des grands bailleurs de fonds. »
[…]
« Même les meilleures ONG fournissent rarement le vrai bilan de leurs actions.
 Elles disent toujours « nous allons ouvrir un centre nutritionnel », « nous allons distribuer des médicaments », mais on ne sort jamais du cycle « victimes, donations ».
Il y a peu d'évaluations de programmes, peu de transparence sur les critères de choix des interventions. »
[…]
« J'ai le sentiment que certaines ONG tirent argument de la souffrance, réelle, des gens pour justifier leur existence et accroître leur « part de marché ».
Leur perpétuation devient leur principale raison d'être et leurs vrais « bénéficiaires » une nomenklatura.
Beaucoup d'ONG ne sont des associations que par leur statut fiscal privilégié et l'absence de distribution de dividendes, mais leur démarche marketing et commerciale les éloigne de leur objet pour en faire de vraies entreprises. »
Et enfin :
« J'en suis arrivée au constat paradoxal, après dix-sept ans au service des ONG et de l'humanitaire, que l'Etat devrait aujourd'hui remettre de l'ordre et exiger plus de transparence dans le monde humanitaire.
Au nom de l'humanitaire aujourd'hui, on fait n'importe quoi. »

N’importe quoi, oui…
La présence de Trierweiler en Inde, aux frais de donateurs institutionnels en grande partie remboursés par l’État, en est la preuve la plus éblouissante…

En ces temps où les désespérantes sociétés de consommation, dressées à la pulsion individuelle, à l’immédiateté émotionnelle programmée par des “spécialistes”, et gavées aux fadaises du jour qui leur tient lieu de lien collectif, sont devenues totalement amnésiques et dépendantes des campagnes de marketing, il est bon parfois de ressortir quelques vieilles archives du temps où la presse était encore libre, avait une éthique et donnait la parole aux « Lanceurs d’alerte sociale »…

Aujourd’hui, à la veille de ce 1er février 2014, Emmaüs-France et tous ses cadres appellent à un vaste rassemblement à Lyon pour commémorer l’Appel de l’Abbé Pierre qui, à l’époque, fut un moment de prise de conscience collective extraordinaire.
60 ans plus tard, il n’en reste rien.
Je veux dire, rien qui pourrait de près ou de loin s’appeler de l’humanisme, de la vraie solidarité.
Il ne reste plus que des prédateurs sans scrupules et des donateurs abusés pour lesquels la déduction fiscale reste malgré tout une consolation personnelle.
Emmaüs est devenu une boutique commerciale comme une autre, en guerre de concurrence acharnée pour sauver les meubles et, à grands coups d’innovations commerciales, sauvegarder les salaires et les privilèges de ses cadres supérieurs et de ses baronnets locaux.

 Pire encore, grâce à la carrière d’un haut fonctionnaire opportuniste comme Martin Hirsch, avec son honneur rapiécé en bandoulière, 4000 Compagnes et Compagnons ont aujourd’hui un statut d’esclave : ils travaillent 42 heures par semaine sans pouvoir prétendre être des travailleurs, des salariés comme les autres, ils n’ont aucun droit légitime, pas même celui de se plaindre, sinon c’est le « P.S.G. », Porte-Sac-Gare…

Pour ces femmes et ces hommes en détresse, spoliés de leur intimité, aucun plan d’insertion professionnelle, aucune dignité personnelle ne sont à l’ordre du jour.
 Et au lieu de mettre fin au scandale de ce statut infâme de sous-travailleur exploité, maltraité, humilié, la Nomenklatura politico-humanitariste le salue et le célèbre avec une émotion charlatanesque.

Trierweiler et sa pâte nutritionnelle, pas plus que les autres grands notables d’aujourd’hui au service du libéralisme et de leur garde-robe – les mêmes qui instrumentalisent les pauvres pour leur seul bénéfice –, n’ont rien compris ou ne peuvent rien comprendre à ce que l’on ressentait autrefois dans sa chair comme étant de « la dignité humaine ».

L’abbé Pierre, ce fut avant tout la rencontre historique de l’indignation d’un homme de cœur avec le sentiment largement partagé d’une injustice collective.
 Aujourd’hui, dans ce siècle de mutants individualistes, hypocrites, de clowns aliénés et suicidaires, c’est chacun pour soi et ses petits profits.

 L’humanitaire y est devenu un « business model », un secteur innovant enseigné dans les grandes écoles et parrainé par l’imposture.

 Ce 1er février 2014 devrait être déclaré « jour de deuil national » : une parole est morte.

Christophe Leclaire

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