Les faits - Le chiffre circulait sans être officiel. Il a été confirmé en juillet dans un rapport publié sous l'égide des ministères de l'Intérieur, des Affaires sociales, de l'Ecologie et de l'Education nationale: il y a en France 20 000 Roms (voir notre carte), dont la cohabitation avec la population est loin d'être harmonieuse.
Ils sont 20 000, regroupés dans des campements de fortune principalement en Ile-de-France, dans le sud, l’est et le midi de la France.
Vingt-mille Roms, moins qu’ailleurs en Europe, mais qui alimentent polémiques, peurs et fantasmes.
 A six mois des élections municipales, ils sont en train de devenir un thème de campagne, avec la fiscalité et le chômage. Et pas seulement dans les discours du Front national.
La vérité, c’est que le dossier des Roms, compliqué à souhait, prête à tous les dérapages.

 Parce que certains, à tort, les confondent avec les « gens du voyage » ; parce qu’aujourd’hui comme hier, ils sont traités en Roumanie, en Bulgarie ou en Hongrie comme de vrais parias ; parce que l’ouverture des frontières en Europe facilite la circulation et les transferts de populations.
Faute de travail, les Roms vivent souvent de la mendicité et de rapines, mais ils ne peuvent tous être mis sur le même pied.
 Beaucoup sont surexploités par des réseaux mafieux qui, dans l’ombre et dans un grand climat de violence manipulent enfants (voire bébés), très jeunes filles, garçons et femmes.
L’exaspération de beaucoup d’électeurs, quand bien même les Roms ne seraient-ils que 20 000, est aisément explicable: les chapardages, la « mendicité agressive », cela se passe dans la rue, sous leurs yeux, au bas des immeubles, dans les transports en commun.
Il y a la réalité, qui n’est pas inventée. Il y a aussi la rumeur, souvent folle. Et les responsables politiques doivent répondre à tout cela.

Exemple : lundi matin place Stalingrad, dans le nord de Paris. La candidate socialiste à l’Hôtel-de-Ville, Anne Hidalgo, présente ses priorités.
 Elle parle logement, circulation, places en crèche, santé, développement économique. Et sécurité.
Surgit l’inévitable dossier des Roms. Sa rivale UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet, a estimé que « les Roms harcèlent beaucoup les Parisiens ».
 Alors, comme elle l’avait confié la semaine dernière à L’Opinion, la candidate PS s’indigne que droite et extrême-droite « instrumentalisent » ce dossier.
 Elle parle de « réseaux mafieux » qui, à travers toute l’Europe, « exploitent » les enfants et vivent des trafics et du proxénétisme.
 Elle se réjouit que, ces derniers mois, cinq de ces réseaux soient tombés grâce à la coordination des polices européennes.
 Elle ajoute que cela ne doit pas être confondu avec le « drame humain » que vivent trop de familles.
 La candidate juge ainsi « insupportable » que de très jeunes enfants dorment du côté de la Bastille dans des cabines téléphoniques sans que personne ne trouve à y redire, sous prétexte qu’ils sont avec leurs parents.
Mais quand un journaliste relance Anne Hidalgo sur ce dossier, elle s’écrie de manière totalement inattendue : « Paris ne peut pas être un campement géant !».

 Aussitôt, Danielle Simonnet, la candidate « mélenchoniste», bondit et reproche à distance à Anne Hidalgo « d’attiser les fantasmes de façon irresponsable » et met sur le même plan Manuel Valls et Claude Guéant.
 A Paris, on en reparlera.
A Lyon aussi, le problème se pose.
 Le maire PS de la ville, Gérard Collomb, assure qu’il « tire la sonnette d’alarme depuis des mois » et que « les grandes villes françaises ne peuvent pas accueillir les 10 millions de Roms qui vivent aujourd’hui en Europe de l’Est. »
 Dans un sondage de l’Ifop pour Mag2Lyon, « le traitement de la question des Roms » arrive en tête des préoccupations de 42% des Lyonnais, devant l’attractivité économique de la ville (28%) et le logement (27%)…
Et à Lille, Martine Aubry se fait tancer par les associations quand elle fait démanteler deux camps avant et après l'été.
Au Front national, il y a plusieurs mois que la campagne contre les Roms a commencé, surfant sur trois thèmes qui lui sont chers : immigration, délinquance et Europe.
 De Marion Maréchal-Le Pen, députée du Vaucluse, posant le 19 mars sa toute première question au gouvernement sur le sujet, à Marine Le Pen jurant à Marseille sous les vivats qu’elle supprimerait si elle était élue les aides sociales et médicales aux sans papiers, donc aux Roms, le sujet est au cœur de ses campagnes de 2014. Il reviendra comme un leitmotiv.

Le ministre de l’Intérieur aura beau rappeler que les reconduites à la frontière se multiplient, que la prime au retour a été supprimée et que, non, contrairement à ce que dit le FN, il n’y aura pas d’invasion de Roms de Bulgarie et de Roumanie le 1er janvier 2014, le sujet ne sera pas épuisé.

Il l'est d'autant moins que la Commission européenne, estimant que les pays membres de l'Union doivent passer à la vitesse supérieure en matière d'intégration des Roms, constate que la France « a fait quelques avancées », mais qu'il y a « encore des progrès à faire, notamment concernant les budgets alloués. »

 Le sujet monte aussi ailleurs en Europe
. La police suédoise vient ainsi de reconnaître qu'elle avait créé un ficher temporaire des Roms, ce qui est contraire à la loi nationale.

 Après les municipales, les Roms feront peut-être irruption dans la campagne des élections européennes.


http://www.lopinion.fr/23-septembre-2013/plus-20-000-roms-en-france-4308